Guide clinique de la transfusion

Contexte

Ce chapitre décrit quand et comment utiliser le produit protéique plasmatique albumine et présente les alternatives thérapeutiques à l’albumine.

L’albumine sérique est la protéine la plus abondante du plasma. Elle a un poids moléculaire d’environ 67 kilodaltons avec une faible viscosité sérique. C’est une molécule très soluble qui est globalement chargée négativement mais qui est capable de se lier à la fois aux cations et aux anions.

L’albumine sérique est responsable d’environ 80 % de la pression oncotique plasmatique totale (également appelée pression osmotique colloïdale). Cette pression est importante pour maintenir des niveaux appropriés d’eau dans le système circulatoire. En général, un gramme d’albumine attire 18 ml d’eau par son activité oncotique ; ainsi, une perfusion de 25 g d’albumine augmente le volume plasmatique de 450 ml.

L’albumine sérique est synthétisée dans le foie à un taux d’environ 16 g par jour chez un adulte en bonne santé. Plusieurs hormones peuvent augmenter la capacité de l’organisme à synthétiser l’albumine, mais la malnutrition, le stress, les médicaments et le vieillissement peuvent tous diminuer la production. L’albumine sérique est perdue à un taux de 12 g par 500 ml de sang perdu ; ainsi, dans le cadre d’une hémorragie de quatre unités, l’albumine perdue sera entièrement remplacée par une synthèse normale en trois jours.

Efficacité et sécurité de l’albumine

L’albumine purifiée à partir du plasma humain est utilisée comme agent thérapeutique depuis les années 1940, malgré une controverse permanente concernant son efficacité et sa sécurité par rapport à d’autres colloïdes et cristalloïdes. De nombreuses publications de recherche et revues systématiques ont tenté de résoudre cette controverse.

Deux méta-analyses réalisées à la fin des années 1990 ont indiqué que l’utilisation de l’albumine pour le traitement de l’hypovolémie, des brûlures ou de l’hypoalbuminémie était associée à une augmentation de la mortalité1,2. Cependant, les études examinées étaient de petite taille et portaient sur des populations de patients hétérogènes.

En 2004, un vaste essai contrôlé randomisé (ECR) portant sur 6 997 patients australiens d’unité de soins intensifs (USI) soumis à une réanimation liquidienne, l’essai SAFE (Saline versus Albumin Fluid Evaluation), n’a montré aucune différence de mortalité entre l’albumine à 4 % et le sérum physiologique.3 Il n’y avait pas non plus de différence significative entre l’albumine et le sérum physiologique lorsque les jours d’USI, les jours d’hospitalisation, les jours sous ventilateur ou les défaillances multi-organiques étaient évalués. Comme l’essai SAFE a révélé que l’albumine n’était ni utile ni nuisible, les cliniciens des deux camps ont utilisé cette étude pour soutenir leur point de vue. Les analyses de sous-groupes de l’essai SAFE n’ont pas démontré le bénéfice de la perfusion d’albumine chez les patients hypoalbuminémiques.

Un ECR multinational réalisé en 2013, l’essai CRISTAL (Colloids Versus Crystalloids for the Resuscitation of the Critically Ill), n’a trouvé aucune différence significative dans la mortalité à 28 jours des patients des soins intensifs souffrant d’hypovolémie qui ont été traités avec des colloïdes (y compris l’albumine) par rapport aux cristalloïdes (risque relatif, RR, 0,96 ; intervalle de confiance à 95 %, IC, 0,88-1,04).4 Dans l’étude Albumin Italian Outcome Sepsis (ALBIOS), l’ajout d’albumine au traitement cristalloïde en cas de sepsis sévère/choc septique n’a pas modifié la mortalité à 28 jours chez 1 818 patients (RR 1,0 ; IC à 95 %, 0,85-1,05).5

Une revue systématique Cochrane de 2013 a montré à nouveau que l’albumine ne présentait aucun avantage ou inconvénient par rapport aux cristalloïdes pour la réanimation liquidienne des patients gravement malades (traumatismes, brûlures et postopératoires) ; le RR groupé de décès avec l’albumine était de 1,01 (IC à 95 % : 0,93-1,10).6 Cette revue a cependant constaté qu’un type de colloïde, l’hydroxyéthylamidon (HES), pouvait contribuer à augmenter le risque de décès (RR 1,10 ; IC à 95 % : 1,02-1,19). Chez les patients souffrant d’un dysfonctionnement hépatique, une méta-analyse a montré un avantage pour l’albumine après une paracentèse de grand volume ; le traitement à l’albumine a réduit le dysfonctionnement circulatoire postparacentèse (odds ratio, OR, 0,39 ; IC à 95% 0,27-0,55), l’hyponatrémie (OR 0,58 ; IC à 95% 0,39-0,87) et la mortalité (OR 0,64 ; IC à 95% 0,41-0,98) par rapport au traitement avec d’autres colloïdes.7 Des études prospectives de moindre envergure ont également suggéré le bénéfice potentiel de l’albumine chez les patients cirrhotiques atteints de péritonite bactérienne spontanée,8 ainsi que chez les patients atteints de syndrome hépatorénal en association avec la terlipressine.9,10

Les effets secondaires spécifiques à l’albumine incluent un risque très rare d’anaphylaxie. Aucun cas de transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), d’hépatite ou d’autres virus n’a été signalé au moment de la rédaction du présent document, mais un risque théorique de transmission de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ) existe. Il existe des préoccupations pour certaines populations de patients concernant l’osmolalité, la teneur en sodium, le pH et les stabilisateurs du produit (caprylate, N-acétyltryptophanate et aluminium).11, 12

Description du produit

L’albumine humaine est préparée à partir de plasma donné à l’aide d’un processus appelé fractionnement.

Au Canada, l’albumine est fournie comme un produit protéique plasmatique d’origine humaine qui est une solution stérile, sans latex, avec un pH physiologique et une concentration de sodium de 130-160 mmol par litre. Des stabilisateurs sont présents, mais les conservateurs ne sont généralement pas inclus. Les processus d’inactivation virale ont lieu pendant le processus de fractionnement. Les solutions d’albumine normales sont des fluides clairs, légèrement visqueux, dont la couleur varie de presque incolore à jaune pâle, ambre ou vert. Le tableau 1 présente une liste des préparations d’albumine disponibles à la Société canadienne du sang.

L’albumine est généralement disponible en deux concentrations : 5 % et 25 %. Five percent albumin is isosmotic with plasma but 25% albumin is hyperoncotic and is roughly equivalent to a plasma volume four- to five-fold higher than the infused volume. Therefore, 25% albumin is the product of choice if the patient has an oncotic deficit, whereas 5% albumin is used for therapeutic plasmapheresis or conditions associated with volume deficit alone.

Table 1: Albumin preparations available through Canadian Blood Services*

Product name Vial sizes Supplier Storage Stabilizers and buffers pH and sodium (Na)
Plasbumin® / Albumin 5% 50 ml, 250 ml Grifols 2 to 30°C Sodium caprylate, acetyltryptophan, sodium carbonate Na content = 145 mEq/L
Plasbumin® / Albumin 25% 100 ml
Alburex® 5% 250 ml, 500 ml CSL Behring 2 to 30°C Sodium caprylate, acetyltryptophan, sodium carbonate

pH range = 6.4–7.4

Na content = 3.2 mg/ml

Alburex® 25% 50 ml, 100 ml

*For ongoing updates, please refer to the complete table of plasma protein products at blood.ca.

Indications

In 1995, the University Hospital Consortium in the United States developed the first consensus statement on indications for albumin use.13 De nombreuses juridictions utilisent encore ces indications, mais sur la base d’examens systématiques récents, y compris ceux discutés ci-dessus, certaines lignes directrices plus récentes limitent l’utilisation de ce produit au remplacement du volume dans le choc hypovolémique.

Deux recommandations canadiennes (Colombie-Britannique et Ontario) sont publiées sur les sites Web provinciaux respectifs14, 15 Ces recommandations diffèrent légèrement mais s’accordent sur le fait que l’albumine serait généralement indiquée dans les situations suivantes :

Les préparations à 25 % d’albumine :

  • Patients atteints de maladie hépatique et de péritonite bactérienne ;
  • La paracentèse de grand volume (>5 litres) chez les patients cirrhotiques ;
  • Le syndrome hépatorénal de type 1.

Préparations à base d’albumine à 5%:

  • Échange plasmatique thérapeutique;
  • Lésion thermique impliquant >50% de la surface corporelle totale, en cas de non-réponse aux cristalloïdes.

Il n’y a pas de preuves solides pour soutenir l’utilisation de l’albumine dans les cas suivants :

  • Chirurgie cardiaque ;
  • Réanimation volumique pour hypovolémie ;
  • Ischémie cérébrale / lésion cérébrale hypovolémique ;
  • Hypoalbuminémie ;
  • Hypotension pendant le traitement par dialyse.

Contre-indications

L’albumine est contre-indiquée chez :

  • Les patients qui ne toléreraient pas une augmentation rapide du volume sanguin circulant.
  • Les patients ayant des antécédents de réaction allergique à l’albumine.

Dose et administration

Le volume et le débit de perfusion doivent être déterminés par la situation clinique. Cependant, les débits de perfusion des solutions d’albumine à 5% ne doivent pas dépasser 5 ml par minute alors que le débit de l’albumine à 25%, en raison de sa nature hyperosmotique, ne doit pas dépasser 1 à 2 ml par minute. La surveillance des patients pour une surcharge circulatoire et une hyperhydratation est recommandée avec les perfusions d’albumine à 25%. Les doses d’albumine suggérées sont indiquées dans le tableau 2.

Table 2: Suggested doses for indicated uses of 25% albumin.8

Indication Dose
Large volume paracentesis > 5 litres in cirrhotic patients 6-8 g of albumin per litre of fluid removed
Spontaneous bacterial peritonitis (non-malignant)

Day 1: 1.5 g/kg

Day 3: 1 g/kg

Hepatorenal syndrome type 1 (acute onset)*

*administered with vasoactive agents (e.g. terlipressin)

Day 1: 1 g/kg

Days 2–14: 100–200 ml/day

Infusion is through a standard vented intravenous (IV) set. L’albumine est compatible avec les solutions IV standard d’électrolytes et de glucides telles que le sérum physiologique, le lactate de Ringer, le PlasmaLyte et le D5W, mais ne doit pas être co-infusée avec des solutions contenant de l’alcool ou des hydrolysats de protéines. L’albumine ne doit pas être diluée avec des solutions hypotoniques telles que l’eau stérile pour injection, car cela pourrait entraîner une hémolyse grave.

Une fois ouverte, la fiole d’albumine doit être jetée si elle n’est pas perfusée dans les quatre heures.

Stockage et transport

Voir le tableau 1 pour les températures de stockage des différentes préparations d’albumine disponibles à la Société canadienne du sang. La durée de conservation varie de deux à cinq ans selon le procédé de fabrication. Une date de péremption est indiquée sur chaque emballage et la date de péremption de chaque unité doit être vérifiée avant l’administration.

Le produit ne doit pas être administré s’il est périmé ou si :

  • la solution a été congelée ou conservée dans des conditions inappropriées ;
  • la solution est trouble ou contient des particules (par ex.par exemple du verre ou du liège) ; ou
  • les flacons de solution sont endommagés.

Alternatives à l’albumine

Les alternatives au traitement par albumine incluent d’autres solutions colloïdales et cristalloïdes. En général, les agents thérapeutiques d’expansion du volume plasmatique utilisés en clinique peuvent être classés en trois grandes catégories :

  • cristalloïde
  • colloïde (par exemple l’albumine)
  • solutions hypertoniques (comme alternatives à l’albumine à 25 %).

Les cristalloïdes les plus courants en usage clinique sont la solution saline normale, PlasmaLyte et le lactate de Ringer. Les avantages de la thérapie cristalloïde par rapport à la plupart des solutions colloïdes comprennent une diminution des dépenses, une augmentation du débit urinaire et une structure chimique plus simple qui est facilement métabolisée et excrétée. Les inconvénients des cristalloïdes sont principalement observés dans les situations nécessitant de grands volumes pour la réanimation clinique, ce qui peut entraîner des œdèmes périphériques et pulmonaires, ainsi qu’un potentiel d’hyperchlorémie chez les patients souffrant de dysfonctionnement rénal.

Les colloïdes diffèrent des cristalloïdes par leur capacité accrue à retenir l’eau dans le compartiment intravasculaire. En cas de perméabilité membranaire normale, les colloïdes ne pénètrent pas dans les compartiments interstitiels ou intracellulaires et peuvent augmenter préférentiellement le volume plasmatique. Outre l’albumine, les colloïdes actuellement disponibles au Canada pour un usage thérapeutique comprennent :

  • Dextrans (D40, D70)
  • Gélatines (haemaccel)
  • Hydroxyéthylamidons (HES) (Volulyte®, Voluven® et Hextend)

Les inconvénients potentiels de la thérapie colloïdale comprennent :

  • le coût, les colloïdes étant nettement plus chers que les cristalloïdes;
  • la diminution de la concentration en hémoglobine du receveur après la perfusion;
  • la dilution des protéines plasmatiques, y compris les facteurs de coagulation ; et
  • la surcharge circulatoire.

Bien que d’autres colloïdes tels que les produits HES soient moins chers que l’albumine, ils peuvent être associés à des effets secondaires accrus16. En 2013, un avis de Santé Canada a été publié pour informer les cliniciens qu’une mortalité accrue, des lésions rénales et une insuffisance hépatique ont été associées à l’utilisation de solutions HES et que les solutions HES sont désormais contre-indiquées chez les patients présentant un sepsis, une maladie hépatique grave ou une insuffisance rénale avec oligurie et anurie, non liées à une hypovolémie17.

Crédits de développement professionnel continu

Les fellows et les professionnels de la santé qui participent au programme de maintien de la certification (MOC) du Collège royal canadien peuvent revendiquer la lecture du Guide clinique de la transfusion comme activité de développement professionnel continu (DPC) sous la section 2 : crédit d’auto-apprentissage. La lecture d’un chapitre équivaut à deux crédits.

Reconnaissances

Les auteurs, Gwen Clarke et Matthew Yan, reconnaissent Susan Nahirniak, MD, FRCPC, comme l’auteur d’une version précédente de ce chapitre.

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