Le côté obscur du dichlorométhane
Le dichlorométhane (DCM) est un solvant fantastiquement utile. Il peut dissoudre une énorme variété de composés ; les fouetter à travers des colonnes de chromatographie ; et ensuite Rotovap loin en un tour de main.
Pour autant, il a aussi un côté sombre. Le DCM suscite des inquiétudes pour la santé depuis des années : l’Agence américaine de protection de l’environnement le juge » probablement cancérigène pour l’homme « , par exemple. Aujourd’hui, il existe des preuves que l’augmentation des concentrations atmosphériques de DCM pourrait ronger la couche d’ozone de la Terre. Bien que l’impact soit relativement mineur aujourd’hui, la croissance des émissions de DCM devrait inciter les chercheurs, l’industrie et les décideurs à agir de toute urgence.
Signaux d’alerte
La perspective de la destruction de la couche d’ozone par les radicaux libres de substances telles que les chlorofluorocarbones (CFC), autrefois largement utilisés comme réfrigérants, était si calamiteuse qu’elle a suscité l’accord international sur l’environnement le plus abouti au monde, le protocole de Montréal.
Conclu en 1987, le protocole a fixé un calendrier pour l’élimination progressive des CFC et d’autres composés destructeurs d’ozone. Cela a déjà permis de réduire la quantité totale de chlore organique dans l’atmosphère d’un pic de 3660 parties par billion à environ 3300ppt en 2012.
Le projet Caribic a enregistré une augmentation d’environ 60% des concentrations atmosphériques de DCM au cours de la dernière décennie
Le DCM n’est pas réglementé par le protocole. Il a une durée de vie atmosphérique de moins de 6 mois, et les chercheurs pensaient jusqu’à présent qu’il se décomposait avant d’atteindre la stratosphère. Cependant, une étude publiée en juillet suggère qu’environ un million de tonnes de DCM pénètrent dans l’atmosphère chaque année, et qu’une partie peut effectivement attaquer la couche d’ozone.1 Les concentrations atmosphériques de DCM à la surface augmentant d’environ 8 % par an, il pourrait contribuer jusqu’à 30 % du chlore dans la basse atmosphère d’ici 2050.
Ce n’est pas la première étude à tirer la sonnette d’alarme. Un projet appelé Caribic (aviation civile pour l’investigation régulière de l’atmosphère à partir d’un conteneur d’instruments) a enregistré une augmentation d’environ 60% des concentrations atmosphériques de DCM au cours de la dernière décennie. Une grande partie de cette augmentation provient de la Chine, qui émet environ un demi-million de tonnes de DCM par an2, et de l’Inde, où les émissions de DCM ont plus que doublé entre 1998 et 2008.3
Sans surprise, l’Asie du Nord-Est et l’Inde représentent environ les trois quarts de la consommation mondiale de DCM. Il est principalement utilisé comme solvant d’extraction ou de traitement, mais il sert également de matière première pour la fabrication du difluorométhane, un autre gaz réfrigérant, dont la production a augmenté de 23 % entre 2012 et 2015 selon le Programme des Nations unies pour l’environnement. Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour déduire qu’au moins une partie du DCM atmosphérique provient des usines de difluorométhane.
Amendements de Montréal
La menace que représente le DCM pour la couche d’ozone devrait être abordée sur plusieurs fronts. Reconnaître que le problème existe serait une bonne première étape. Par exemple, dans un livre blanc sur le DCM, l’Association européenne des solvants chlorés déclare ‘ n’appauvrit pas la couche d’ozone.’4 Les groupes industriels devraient revoir cette opinion à la lumière des preuves atmosphériques.
L’industrie chimique doit également réduire ses émissions de DCM. Elle devrait notamment être plus transparente sur la quantité de DCM utilisée dans ses procédés et adopter une approche collaborative pour limiter les émissions. Elle pourrait s’inspirer de l’exemple de l’industrie pharmaceutique, qui a été proactive en se sevrant du DCM et en améliorant le partage des connaissances et des meilleures pratiques par le biais d’initiatives telles que la table ronde pharmaceutique de l’Institut de chimie verte de l’ACS.5 Parallèlement, des campagnes locales de surveillance de l’atmosphère en Inde et en Chine permettraient de mieux comprendre l’impact du DCM et de localiser les sources d’émissions.
Le Protocole de Montréal pourrait également jouer un rôle essentiel. L’une de ses grandes forces est qu’il peut être mis à jour pour tenir compte des nouvelles connaissances scientifiques. Tout récemment, l’amendement de Kigali, adopté en octobre 2016, a défini un nouvel engagement visant à réduire l’utilisation des hydrofluorocarbures (HFC), notamment le difluorométhane. Ces composés ont contribué à remplacer les CFC, mais leur potentiel de réchauffement planétaire peut être des milliers de fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, et ils exacerbent le changement climatique. Si l’amendement de Kigali est ratifié, l’Inde, la Chine et d’autres pays en développement commenceront à réduire leur production de HFC d’ici le milieu ou la fin des années 2020, l’abaissant de plus de 80 % d’ici les années 2040.
Pendant cette période, cependant, la production de difluorométhane pourrait bien augmenter. C’est parce qu’il a un potentiel de réchauffement global plus faible que la plupart des autres HFC, et qu’il pourrait donc finir par les remplacer dans les appareils de climatisation. Les découvertes sur le DCM atmosphérique devraient stimuler les discussions lors de la prochaine réunion du protocole en novembre, visant à éviter les conséquences négatives d’une hausse de l’utilisation du difluorométhane.
Les entreprises chimiques chinoises ont exercé un lobbying intense contre l’amendement de Kigali – après tout, elles avaient investi massivement dans la production de HFC, et les affaires sont en plein essor. Mais le gouvernement chinois fait de plus en plus jouer ses muscles pour faire respecter les contrôles de pollution, et il devrait maintenant porter son attention sur le DCM. Si l’amendement de Kigali peut contrôler les HFC, il y a toutes les chances que d’autres modifications du protocole de Montréal puissent freiner les émissions du solvant chloré préféré de la chimie.
Reconnaissance
Merciements à Tom Welton de l’Imperial College de Londres et à Emma Elvidge de l’Université d’East Anglia pour des discussions utiles.