Les péchés capitaux : « Paresse » – Centre du Rosaire

Par le Père Reginald Martin, O.P.

Qu’est-ce que la paresse ?

Notre dictionnaire définit la paresse comme « une aversion pour le travail ou l’effort ; la paresse ; l’indolence. » Ces mots suscitent raisonnablement le mépris de toute personne soucieuse d’apporter une contribution productive à la société. Ils peuvent également susciter notre indignation lorsque nous observons un collègue de travail ou un membre de la famille qui ne prend pas une part raisonnable dans une entreprise commune. Cependant, cette définition ne pénètre pas la réalité spirituelle du péché que nous appelons paresse.

Le péché de paresse

Ce qui distingue le péché de paresse du simple fait de perdre du temps à jouer à des jeux vidéo ou à regarder la dixième rediffusion d’une série télévisée, c’est la part de tristesse qu’il comporte, et son rejet de l’amour de Dieu. Ces caractéristiques distinctives nécessitent quelques éclaircissements, alors tournons-nous, pour un moment, vers notre Écriture, où l’auteur du livre de l’Ecclésiastique nous exhorte à

Mettre l’épaule sous et… ne t’effraie pas sous ses liens… quand tu la saisis, ne la lâche pas. Car enfin tu trouveras le repos qu’elle donne, et elle sera changée en joie pour toi. (Ecclus. 6 : 27)

Dans le texte latin, le « fretting » est décrit comme acedia, ce qui signifie morosité ou tristesse, voire maussaderie. Il ne faut pas les confondre avec la simple paresse de la définition du dictionnaire – ou avec la dépression clinique, qui, parce qu’elle est une maladie physique/psychologique, n’est pas un péché. Saint Thomas d’Aquin fait référence à certaines sources anonymes « qui disent que la paresse est une paresse de l’esprit qui néglige de commencer le bien ». (ST, II-II, 35, 1) Il ajoute,

Puisque, donc, le bien spirituel est un bien en toute vérité, la tristesse au sujet du bien spirituel est un mal en soi. Et pourtant, ce chagrin aussi qui concerne un mal réel, est mauvais dans son effet, s’il opprime un homme au point de l’éloigner entièrement des bonnes actions.

Un double mal

Ce qui signifie que la lassitude de la paresse est un double péché. D’abord, parce qu’elle rejette un bien spirituel – l’amour de Dieu – et ensuite parce qu’elle nous incite à ne pas employer ce bien dans nos relations avec Dieu et avec les autres. Notre Catéchisme observe,

La foi en l’amour de Dieu englobe l’appel et l’obligation de répondre avec un amour sincère à la charité divine. Le premier commandement nous enjoint d’aimer Dieu par-dessus tout et toutes les créatures pour lui et à cause de lui… On peut pécher contre l’amour de Dieu de diverses manières… l’acédie ou paresse spirituelle va jusqu’à refuser la joie qui vient de Dieu et à être repoussé par la bonté divine. (CEC, n° 2093, 2094)

POURQUOI EMBRASSER LA PARESSE?

On pourrait raisonnablement fuir certaines des responsabilités les plus lourdes de notre vocation chrétienne, simplement parce que, à l’occasion, du moins, elles semblent si difficiles et si stimulantes. Ne rien faire pourrait sembler une option bien plus attrayante que de pratiquer certaines des œuvres de miséricorde. Cependant, pourquoi quelqu’un se détournerait-il de l’amour de Dieu et embrasserait-il volontairement la tristesse spirituelle à sa place ?

Les théologiens classiques de l’Église proposent un certain nombre de réponses. L’une d’elles consiste à succomber à une simple tension physique. Le psaume 90 (91) décrit le bonheur de l’individu qui se confie en Dieu et, par conséquent, ne craint pas – entre autres maux – « le fléau qui dévaste à midi. » Les premiers auteurs religieux interprétaient ce « fléau » comme la paresse, la lassitude de midi qui assaille quelqu’un qui a jeûné. Bien que cette manifestation de paresse ait été historiquement identifiée comme la plus fréquente chez les ermites et les personnes engagées dans la vie contemplative, chacun d’entre nous peut trouver sa vie de prière ennuyeuse ou improductive, ce qui peut nous amener à nous demander « à quoi bon ? ». Si nous permettons à cette question de rester sans réponse – non remise en question – nous pouvons facilement nous retrouver à nous détourner de la prière et à nous vautrer dans une mer d’apitoiement sur nous-mêmes.

Une autre cause de paresse est de nous permettre d’être tellement pris par les exigences de notre vie quotidienne que nous avons l’impression de ne « pas avoir de temps » pour l’intimité profonde que notre foi nous dit de cultiver avec Dieu. Cette « occupation » peut sembler contredire la notion de paresse comme une forme de léthargie, mais si nous permettons à notre travail ou à d’autres responsabilités d’empiéter sur notre vie spirituelle, nous pouvons nous retrouver à nous détourner de la prière, l’identifiant malencontreusement comme une demande fatigante de plus sur notre calendrier déjà surchargé.

Les remèdes : SE SOUVENIR DU SABBAT

La paresse triomphe lorsque nous supprimons ou omettons Dieu de notre paysage moral. Le troisième commandement nous dit

Souvenir du jour du sabbat, pour le sanctifier. Six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est un jour de sabbat pour le Seigneur, ton Dieu ; tu ne feras aucun ouvrage….

Ce n’est pas une invitation à ne rien faire ; c’est un commandement d’imiter Dieu, qui s’est reposé – non pas d’être Dieu, ce qui aurait été impossible, mais de l’œuvre de la création. On est loin de la lassitude malheureuse qui caractérise la paresse. S’abandonner au repos du sabbat, c’est profiter de l’opportunité d’embrasser le loisir sacré du jour du Seigneur, et de trouver une source de joie supplémentaire dans nos relations avec Dieu.

Faire le guet : ÉTUDE

Notre catéchisme impute la responsabilité de l’acédie à « une pratique ascétique relâchée, une vigilance décroissante, une insouciance du cœur. » (CEC, n° 2733) Adopter la discipline de la lecture spirituelle est une façon de s’attaquer à ces maux, et nous pourrions commencer par nous approcher de l’Écriture. Les médias modernes viennent également à notre aide dans cette quête, et nous pouvons trouver des copies « en ligne » des réflexions de notre Saint-Père – ainsi que l’enseignement d’autres autorités de l’Église – avec très peu de difficulté.

PRIÈRE

L’étude est une entreprise incontestablement précieuse, mais le catholique moderne peut être pressé de trouver le temps pour guère plus qu’un coup d’œil occasionnel sur un missel pour apprendre quelles lectures apparaîtront le dimanche suivant. Se mettre au défi d’être plus assidu dans la prière est une autre façon de combattre la paresse, et la prière a l’avantage d’être accessible à tout moment. Kevin Vost, auteur des Sept péchés capitaux, cite saint Jean Climaque, qui s’adressait ainsi à la paresse

« Toi, là ! Créature grossière et paresseuse… Qui sont tes ennemis ? Qui peut te détruire ? » Et l’ennui peut être contraint de répondre… « Le chant des psaumes et le travail manuel sont mes adversaires par lesquels je suis maintenant lié… ce qui me tue vraiment, c’est la prière soutenue par une ferme espérance dans les bénédictions de l’avenir. » (Les sept péchés capitaux, Ch. 8, « Slashing Sloth »)

Ora et labora, « la prière et le travail » sont des clés de voûte de la vocation monastique, et l’emploi du temps monastique réserve clairement du temps pour chacun. Si elle est fidèlement embrassée – surtout si elle est embrassée comme un signe sur terre de la vie que nous pouvons attendre au ciel – la vocation monastique devrait mettre la paresse en déroute. Nous avons vu que ce n’est pas le cas, cependant. Si ceux qui sont appelés aux plans exaltés de la vie religieuse peuvent être la proie de la paresse, quel bénéfice le laïc moyen peut-il tirer des paroles de Climacus ?

PRIÈRE TOUJOURS ET PARTOUT

Prendre du temps pour la prière peut sembler une tâche aussi ardue que de réserver du temps pour l’étude – sans parler du travail manuel – c’est pourquoi Vost ajoute,

Même le temps, l’énergie et la concentration requis par l’Office divin ou le Saint Rosaire vous laissent des sentiments d’apathie et de fatigue ? Alors pourquoi ne pas commencer par des prières simples ? Même une prière aussi courte et simple que le signe de la croix, si elle est priée avec un cœur sincère, peut commencer à faire reculer la paresse. En effet, certains des saints les plus zélés la priaient et la signaient plusieurs fois par jour. Il est difficile de laisser votre esprit vagabonder après des choses illégales lorsque vous priez de manière répétée pour que toutes vos pensées, paroles et actions soient faites, « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » (Ibid.)

Un avantage supplémentaire de la prière

Nous n’identifions peut-être pas immédiatement la prière à la justice, mais notre théologie enseigne que la vertu de justice consiste à donner aux autres ce qu’ils méritent. La prière est l’un des actes qui est dû à Dieu ; prier non seulement nous rapproche de Dieu – et nous éloigne de la paresse – mais nous permet de pratiquer l’une des vertus cardinales, ces bonnes habitudes qui s’opposent aux péchés cardinaux que nous considérons depuis un an dans ces réflexions.

LE SACRAMENT DE LA RÉCONCILIATION

Notre auteur suggère que la recherche du confessionnal est la cerise sur le gâteau spirituel qui nous délivre de la paresse. La paresse nous encourage à ne rien faire, à ne nous soucier de rien, à nous comporter comme si rien n’avait d’importance sinon notre propre mécontentement. Le sacrement de la réconciliation est l’occasion d’aborder chacune de ces tentations et d’en triompher. La raison en est très simple : le sacrement de la réconciliation exige notre participation active. Pour profiter de ses bienfaits, nous devons nous mobiliser, abandonner notre léthargie et nous approcher du confessionnal. Si nous voulons recevoir dignement le sacrement, nous devons nous livrer à un examen au moins superficiel de notre vie : qu’ai-je fait, qu’ai-je omis de faire ? Qu’est-ce que je voudrais avoir fait différemment ? Enfin, nous devons être prêts à relever le défi du changement. Nous ne sommes peut-être pas les plus enthousiastes des pénitents, mais rechercher le sacrement de la réconciliation, c’est faire un pas de géant pour s’éloigner de la fange de la paresse.

L’EXEMPLE DE MARY

Ronald Knox, un écrivain spirituel du siècle dernier, a composé une retraite dans laquelle il demandait aux individus de considérer le calme, la tranquillité et la sérénité de la Vierge Marie. Lorsque nous considérons ces qualités en méditant à l’église, elles peuvent sembler des recommandations très positives, mais en ces jours de gratification immédiate et électronique, les personnes calmes et tranquilles peuvent souvent être prises pour des personnes déprimées, paresseuses et léthargiques – ou paresseuses. C’est pourquoi Knox souligne utilement que l’individu calme a « le don de faire passer la première chose en premier ». Et ici, nous pouvons penser à notre Sainte Mère. Après que saint Luc a décrit la façon dont Gabriel a annoncé à Marie qu’elle serait la mère de notre Sauveur, il décrit la visite de Marie à Elisabeth et nous dit qu’elle l’a faite « en hâte ». Ce qui est important ici, c’est que Marie rende sa visite « en hâte », mais pas « à la hâte ». Notre dictionnaire définit le mot « hâte » comme la rapidité, mais ajoute qu’il s’agit de la rapidité combinée à un certain but ou à une certaine expédition. Cela fait écho à l’observation de Knox :  » Les gens calmes n’ont pas besoin d’être pressés, parce qu’ils se hâtent au bon moment, à propos des bonnes choses. « 

Le défi de la  » hâte  » de Marie

Dans le  » Purgatoire  » de la Divine Comédie de Dante, les âmes paresseuses se repentent de leur indifférence pécheresse en se précipitant sur la montagne du Purgatoire avec  » bonne volonté et juste affection.  » (« Purgatoire », XVIII, 96 et suivants). Deux âmes en tête crient le passage de saint Luc : « Marie… se rendit en hâte dans la montagne ». Elles accompagnent ces paroles de l’avertissement suivant :  » Hâte-toi, hâte-toi, de peur que le temps ne soit perdu par le peu d’amour. « 

Nous commettons une erreur si nous imaginons que l’évangile est un compte rendu de choses qui sont arrivées à d’autres personnes, ailleurs, il y a longtemps. En fait, l’évangile est une histoire racontée à propos de nous, ici et maintenant. Chacun des individus que nous rencontrons dans les récits évangéliques est un reflet de nous-mêmes, et chacun d’eux illustre ce que nous devrions faire – ou ce que nous devrions éviter. Marie est le modèle de l’Église, elle est donc notre modèle en toutes choses. Elle est le premier tabernacle de l’Église et son premier évangéliste, une personne prête à laisser derrière elle tout le confort et la sécurité de son foyer pour proclamer la Bonne Nouvelle. Et elle est prête à le faire « en toute hâte ». Notre baptême nous appelle à faire de même.