Sphygmomanomètre

PROBLÈMES TECHNIQUES DE LA MESURE DE LA PRESSION SANGUINE

Le diagnostic de l’hypertension est basé sur les mesures de la PA avec un sphygmomanomètre. Des niveaux de PA de 140/90 mm Hg et plus sont arbitrairement considérés comme hypertendus, tandis que des niveaux de PA de 139/89 mm Hg ou moins sont considérés comme normaux ou préhypertensifs.1 Le diagnostic précis de l’hypertension est basé sur l’hypothèse que les mesures de la PA sont très précises et peuvent distinguer 140 de 139 mm Hg. Cependant, de nombreux facteurs peuvent affecter la précision des mesures de la pression artérielle en cabinet, et de nombreux patients peuvent donc être faussement étiquetés comme hypertendus ou normotendus. De plus, certains problèmes techniques dans la mesure de la pression artérielle peuvent donner des niveaux de pression artérielle élevés de façon erronée et conduire à un mauvais diagnostic d’hypertension. Nous abordons brièvement certains problèmes techniques courants susceptibles d’augmenter les niveaux de PA.

Il est clair que la détermination précise de la PA est un grand défi (voir chapitre 5). La mesure précise de la PA est la condition sine qua non d’une prise en charge réussie. Les directives relatives à la mesure de la PA soulignent l’importance d’utiliser des dispositifs validés qui font l’objet d’un entretien et d’un étalonnage périodiques.2,3 Par exemple, un brassard trop étroit ou non centré ou une valve à bulbe qui fuit peuvent augmenter la lecture de la PA. Rouse et Marshall ont évalué la précision des sphygmomanomètres dans les cabinets de médecine générale.4 Sur 1462 sphygmomanomètres, 9,2% donnaient des lectures inexactes de plus de 5 mm Hg. Ces auteurs ont conclu qu’en raison de cette imprécision, les femmes âgées de moins de 35 ans peuvent être classées à tort comme hypertendues et recevoir un traitement inapproprié. Les fausses mesures de la pression artérielle peuvent être attribuées non seulement à un équipement défectueux mais aussi à une mauvaise technique. Si le bras du patient est bien en dessous du niveau du cœur, ou si le patient soutient son propre bras avec effort, la TA semblera faussement élevée. Un brassard lâche ou une vessie qui se gonfle à l’extérieur du brassard entraîne également des lectures faussement élevées.

Mejia et ses collègues ont évalué 15 patients souffrant d’hypertension réfractaire en mesurant simultanément la PA du brassard et la PA intra-artérielle.5 La lecture diastolique moyenne du brassard était supérieure de 11,4 mm Hg à la lecture intra-artérielle. Sept patients avaient une PA intra-artérielle moyenne normale. Parmi ces patients, trois avaient une pression diastolique du brassard supérieure de plus de 15 mm Hg à la lecture intra-artérielle. Ce phénomène a été appelé « hypertension due au gonflage du brassard » parce que l’augmentation marquée de la PA intra-artérielle se produisait pendant le gonflage du brassard et revenait rapidement à la ligne de base lorsque le brassard était complètement dégonflé. Ce phénomène s’est reproduit à chaque gonflage et dégonflage du brassard. Chez un patient, la pression intra-artérielle est passée de 132/65 mm Hg avant le gonflage du brassard à 150/90 mm Hg pendant le gonflage.

Certains groupes de personnes méritent une attention particulière pour la mesure de la PA. Il s’agit notamment des personnes âgées, qui présentent souvent une hypertension systolique isolée, et des personnes obèses, chez qui la vessie gonflable peut être trop petite par rapport à la taille du bras, entraînant ainsi une « hypertension du brassard ».6,7

Chez certains patients âgés dont les artères sont très rigides et calcifiées, une pression plus importante dans la vessie est nécessaire pour comprimer l’artère brachiale ; cela donne lieu à des lectures faussement élevées, un phénomène appelé pseudo-hypertension8. La possibilité d’une pseudo-hypertension (PA diastolique du brassard ≥15 mm Hg plus élevée que la pression intra-artérielle déterminée simultanément) doit être suspectée chez les patients âgés qui présentent peu ou pas de lésions des organes cibles, malgré des lectures de PA nettement élevées, et qui souffrent de symptômes posturaux démesurés malgré un traitement prudent. La manœuvre d’Osler, au cours de laquelle le pouls radial reste palpable après l’occlusion de l’artère brachiale par la pression du ballonnet, a été suggérée pour identifier cette entité.8 Cependant, cette manœuvre n’est pas diagnostique en raison d’un désaccord intra- et inter-observateur marqué9 et parce qu’elle est fréquemment présente chez les personnes âgées ayant une PA normale.10 Un enregistreur oscillométrique automatique ou une mesure de la PA au doigt peuvent aider à diagnostiquer cette entité,11 mais seule la lecture intra-artérielle directe est diagnostique.

Un autre phénomène courant qui peut conduire à des lectures inexactes de la PA chez les patients âgés est une lacune auscultatoire-un intervalle silencieux qui peut être présent entre les pressions systolique et diastolique. Une lacune auscultatoire non reconnue peut entraîner une grave sous-estimation de la pression systolique ou une surestimation de la pression diastolique. Cavallini et ses collaborateurs ont évalué 168 patients hypertendus qui étaient par ailleurs en bonne santé et ne prenaient pas de médicaments.12 Des lacunes auscultatoires classiques étaient présentes chez 21 % des patients. Le sexe féminin, la rigidité artérielle et les plaques d’athérome étaient indépendamment associés à la présence de lacunes auscultatoires. Pour éviter l’erreur causée par une lacune auscultatoire, il est recommandé d’estimer d’abord la pression systolique par palpation, puis de gonfler le brassard 30 mm Hg au-dessus du niveau de disparition du pouls radial. La pression systolique est déterminée lorsque les sons de Korotkoff apparaissent pour la première fois, et la pression diastolique est mesurée lorsque les sons disparaissent. Pour éviter une surestimation de la pression diastolique, il est nécessaire de confirmer la disparition des sons en écoutant lorsque la pression chute encore de 10 à 20 mm Hg.