11 facteurs qui différencient la sciatique des ischio-jambiers ou d’autres causes de douleur postérieure à la cuisse

par Michael Lancaster dans Diagnostiquer & Traiter, Blessures à la hanche, Blessures à la jambe, Blessures musculo-squelettiques

Michael Lancaster discute des diagnostics potentiels dans les cas présentant une douleur postérieure à la cuisse, et de la façon de fouiller la cause.

2018 David Alaba du Bayern Munich reçoit un traitement à la cuisse postérieure de la part du personnel médical. REUTERS/Andreas Gebert

Les douleurs postérieures de la cuisse constituent un grand défi pour les physiothérapeutes du sport du monde entier, la cause la plus fréquente étant les claquages des ischio-jambiers(1). Cependant, il existe un certain nombre de structures qui provoquent des douleurs locales ou référées. L’identification de la source de la douleur permet au praticien de gérer efficacement le retour au sport. En fin de compte, il faut déterminer si la lésion de la partie postérieure de la cuisse est une lésion musculaire aiguë ou une douleur référée provenant d’une autre source. Une compréhension de l’anatomie pertinente de la cuisse postérieure, de l’articulation sacro-iliaque et de la colonne lombaire est donc essentielle pour un diagnostic efficace.

Anatomie

Les ischio-jambiers sont constitués du bicep femoris (BF), du semimembranosus (SM) et du semitendinosus (ST) (voir figure 1). Le ST et le BF s’unissent pour former un tendon conjoint avant de s’attacher à la partie postéromédiale de la tubérosité ischiatique. Le SM est considéré comme ayant un attachement plus profond, naissant juste antérolatéralement à l’attachement conjoint sur la tubérosité ischiatique. Le grand adducteur partage également une attache commune avec le bord médial de la tubérosité ischiatique. Il est important de noter que le tendon proximal est en relation étroite avec le nerf et l’artère glutéaux inférieurs, le nerf sciatique et l’insertion de l’adducteur. Cela peut conduire à ce que les entités proximales des ischio-jambiers ou des adducteurs soient accompagnées d’une irritation neurale.

Figure 1 : Principaux muscles de l’arrière de la cuisse

Examen subjectif

On ne saurait trop insister sur l’importance d’une anamnèse détaillée dans le diagnostic différentiel des douleurs postérieures de la cuisse. Un claquage des muscles ischio-jambiers se produit à la suite d’une force importante. L’individu se souviendra d’un incident spécifique tel qu’un sprint ou une force excentrique excessive (par exemple la position du « chacal » au rugby avec une flexion forcée de la hanche en extension relative du genou). Le mécanisme de la blessure (MOI) est un outil clé dans le diagnostic différentiel de la douleur postérieure de la cuisse ; si l’athlète ne peut pas fournir un MOI et qu’il n’y a pas de signes musculaires locaux, il faut considérer que la douleur est référée par une autre source.

Le nombre de structures causales potentielles peut être considérablement réduit via un questionnement et un raisonnement appropriés. Le diagnostic de travail est affiné via une structuration appropriée de l’examen objectif (voir encadré 1).

Boîte 1 : 11 facteurs qui différencient le diagnostic

  1. Début des symptômes- Y a-t-il eu un incident sans signes précipitants ? (a) Oui – envisager une entorse, un traumatisme fascial ou neural. (b) Non – envisager des blessures de surmenage, une douleur référée, une autre entité pathologique.
  2. Localisation des symptômes- Les symptômes sont-ils de nature plus proximale avec une douleur à la palpation directe (a) Oui – envisager toutes les structures locales. (b) Non, les symptômes distaux augmentent la probabilité d’une foulure (surtout en conjonction avec un mécanisme). Cependant, une douleur référée et une compromission neurale devront être écartées(2).
  3. Présence de symptômes neurologiques – Tout signe d’atteinte nerveuse doit conduire à un examen neurologique et lombaire approfondi.
  4. Facteurs causaux – Y avait-il des symptômes préexistants ? L’examen des facteurs causaux potentiels conduira le praticien à éradiquer ou tout au moins à modifier l’activité provocatrice. Par exemple, une technique inefficace de deadlift romain entraînant un cisaillement de l’ischio-jambier proximal contre la tubérosité ischiatique devrait être retirée du programme initialement jusqu’à ce que les symptômes aient disparu et qu’une technique correcte puisse alors être graduée dans la programmation(3).
  5. Progression après la blessure- (a) Une progression lente indique une blessure plus grave. (b) Une progression variable/erratique rend une souche improbable ou indique que les symptômes sont aggravés par l’activité. Cela nécessite un examen détaillé de la prise en charge actuelle et des activités quotidiennes pour identifier les activités aggravantes.
  6. Réaction à l’activité- Les symptômes qui augmentent avec l’activité et sont pires après, représentent une pathologie inflammatoire. Si un athlète commence l’entraînement avec une douleur minime ou nulle, qui s’intensifie pendant mais n’est pas aussi sévère à la fin de l’entraînement, une claudication neurologique ou vasculaire doit être envisagée(4,5).
  7. Problème récurrent- L’athlète a-t-il des antécédents médicaux de blessure postérieure de la cuisse ? Cela nécessite un examen approfondi et un examen biomécanique pour vérifier les schémas de mouvement potentiels qui pourraient prédisposer un individu. Une personne souffrant de claquages récurrents des ischio-jambiers doit faire l’objet d’un examen approfondi pour déterminer la cause profonde du problème. S’occuper uniquement de la foulure ne fournira pas à l’athlète la résilience nécessaire pour éviter une nouvelle blessure.
  8. Niveau d’activité- (a) Un changement d’entraînement a-t-il coïncidé avec la blessure ? (b) Y a-t-il une base d’entraînement adéquate ? Un pic de charge est couramment à l’origine de la blessure – qu’il s’agisse du volume total (pouvant indiquer des schémas de surutilisation plus importants tels que la tendinopathie proximale des ischio-jambiers ou la tendinopathie fessière) ou de la distance de sprint (susceptible de prédisposer l’individu à des claquages)(6).
  9. Mode de vie/occupation- Quels autres facteurs externes au sport aggravent l’état ? La position assise prolongée par des périodes de conduite ou de travail de bureau ou des mouvements de flexion répétés pour aller chercher de jeunes enfants peuvent tous exacerber les symptômes.
  10. Age et sexe du patient- Bien que ce ne soit pas un indicateur clé, en l’absence d’un mécanisme évident, il existe des pathologies potentielles auxquelles un athlète plus jeune sera exposé, comme l’apophysite de traction. Les athlètes féminines peuvent également avoir un risque plus élevé de fractures de stress en raison de la triade de l’athlète féminine(7).
  11. Douleurs nocturnes- Cela pourrait indiquer une pathologie plus sinistre, surtout en l’absence d’un mécanisme lié au sport. Comme pour tous les signaux d’alarme, un examen de l’athlète avec un médecin est essentiel, qui peut alors réserver des scanners ou des examens d’investigation supplémentaires(8).

Examen objectif

L’examen objectif qui suit l’anamnèse subjective affinera davantage vos hypothèses de travail. Une approche pragmatique de l’évaluation permettra de s’assurer que toutes les pathologies potentielles ont été envisagées. Une capacité à réaliser un examen objectif approfondi est supposée ; cependant, les points que l’auteur considère comme particulièrement pertinents pour chaque diagnostic potentiel sont mis en évidence dans le tableau 1.

Tableau 1. Diagnostic différentiel dans les douleurs postérieures de la cuisse (adapté de Caine 2017)(9)

Diagnostic différentiel possible Critères d’exclusion
Lumbar spine facet arthropathy
Disc degeneration
Radiculopathy
No diffuse leg referral
+ve hamstring load tests
Lumbar palpation (NAD) & -ve quadrant test
Hip joint ischiofemoral impingement
+/- Quadratus femoris abnormalities
Femoral external rotation in hip neutral -ve
MRI -ve (No loss of space and QF normal)
Flexion-adduction-internal rotation (FADDIR) -ve
SIJ somatic referral Lasletts’s SIJ provocation tests -ve
Sciatic nerve compression Sciatic tenderness at QF -ve
Slump test +ve hamstring but no change with sensitisers (Hip adduction/internal rotation)
Modified slump (lx extension) Differential test for specific comparison to PHT
*Coexisting pathology possible
Deep gluteal syndrome/
Piriformis syndrome
Sciatic nerve non-tender at piriformis
No further provocation with piriformis stretch/contraction or slump with Add/IR
MRI imaging -ve
Gluteal tendinopathy +ve Hamstring load tests
-ve gluteal load tests
MRI -ve
Ischiogluteal bursitis Pain with stretch and localised palpation
Irritable symptoms with sitting
MRI and ultrasound -ve
Partial or complete tear of the gluteal or hamstring muscle/tendon Gluteal and hamstring tests +ve but MRI and U/S findings -ve for muscle or tendon tear respectively
Posterior pubic or ischial ramus stress fracture Tenderness over ischial ramus
MRI imaging -ve
High suspicion in female triad athletes
Adductor magnus pathology, déchirure ou tendinopathie Tests de l’adducteur -ve,
PSST adducteur stretch and resist -ve
Imagerie par résonance magnétique -ve
Endofibrose vasculaire Aucune résolution immédiate des symptômes à l’arrêt de l’exercice provocateur.
Signe du battement -ve
Echographie ou artériographie -ve

Déchirures des ischio-jambiers

Les déchirures aiguës des ischio-jambiers sont souvent notre première pensée lorsqu’un joueur s’agrippe à la partie postérieure de sa cuisse. Une douleur locale avec sensibilité à la palpation directe, une perte d’amplitude et une perte de puissance musculaire peuvent aider à confirmer ce diagnostic. Le pont à une jambe est un test rapide et facile reconnu pour évaluer la fonction des ischio-jambiers. L’atteinte du tendon allongera le délai et modifiera probablement le plan de traitement, l’imagerie le confirmera(10). Le tableau 2 fournit une comparaison facile à digérer entre l’entorse des ischio-jambiers et la tendinopathie aux structures environnantes et la douleur référée.

L’avulsion du tendon des ischio-jambiers – bien que peu fréquente – peut se produire dans la population sportive ; un coureur plus âgé avec une tendinopathie proximale chronique des ischio-jambiers peut se rompre de son attache osseuse proximale. Dans la population plus jeune (14-18 ans), des avulsions de l’apophyse ischiatique peuvent se produire. Cela se présentera comme une lésion haute des ischio-jambiers, et l’imagerie aidera à en préciser l’étendue(11). Chez l’adulte, la rupture complète est rare mais peut survenir lors d’une flexion forcée et soudaine de la hanche et d’une extension du genou, comme en dynamophilie et au rugby(12,13).

Tableau 2 : Caractéristiques cliniques de la déchirure de l’ischio-jambier par rapport à la tendinopathie et à la douleur référée de l’ischio-jambier (Adapté de Brukner & Kahn 2012)(11)

Caractéristiques cliniques Acuité de la déchirure de l’ischio-jambier
. hamstring strain
(Type I or II)
Hamstring/Adductor/Gluteal Tendinopathy Referred pain to the posterior thigh
Onset Sudden Gradual onset, progressive over time May be sudden onset or gradual feeling of tightness
Pain Moderate to severe Low to moderate Usually less severe, may feel like cramping or twinge
Ability to walk Disabling – Difficulty walking, unable to run Often able to walk pain free Often able to walk / jog pain free
Stretch Markedly reduced Combined hip flexion and knee extension reduced range with possible symptom reproduction Minimal reduction
Strength Markedly reduced contraction with pain against resistance May be reduced when assessed in hip flexion position Full or near to full muscle strength against resistance
Local signs Hematoma, bruising None None
Tenderness Focal tenderness Deep palpation of proximal or distal tendon reproduces symptoms Variable tenderness, usually non-specific
Slump test Negative Occasionally positive due to proximity to neural tissue Frequently positive
Trigger points May have secondary gluteal trigger points May have secondary gluteal and adductor trigger points Gluteal or adductor magnus trigger points that reproduce hamstring pain on palpation or needling
Lumbar spine / SIJ signs Peut présenter des signes anormaux au niveau du rachis lombaire / de l’articulation sacro-iliaque Peut présenter des signes anormaux au niveau du rachis lombaire / de l’articulation sacro-iliaque
Investigations Échographie anormale /. IRM Échographie / IRM possiblement anormale Échographie / IRM normale

Douleur référée

En l’absence de signes et de symptômes clairs de lésion musculaire, une douleur référée doit être envisagée. La douleur postérieure de la cuisse pourrait être causée par la colonne lombaire, l’articulation sacro-iliaque, l’articulation de la hanche ou un compromis neural ou vasculaire, et tous ces éléments doivent être entièrement exclus. Le slump test doit être utilisé pour détecter la mécanosensibilité neurale. Un test d’affaissement positif est fortement évocateur d’une douleur référée. Cependant, un slump négatif n’exclut pas cette possibilité(14). Il est important de noter que les facteurs prédisposant à une lésion des ischio-jambiers peuvent être découverts lorsque l’évaluation proximale détaillée a été réalisée.

Les points gâchettes sont des sources courantes de douleur référée à la partie postérieure de la cuisse. Les points gâchettes les plus courants qui renvoient la douleur aux ischio-jambiers se trouvent dans le petit fessier, le moyen fessier et le piriforme(15). La présentation classique est une sensation d’oppression ou de crampe et l’athlète peut signaler que les ischio-jambiers donnent l’impression d’être « au bord de la rupture ». Un examen plus approfondi peut mettre en évidence une restriction au sein de l’ischio-jambier et des fessiers, mais avec un renvoi direct dans l’ischio-jambier lors de la palpation des points gâchettes.

La colonne lombaire et les autres structures articulaires

La colonne lombaire est une source fréquente de douleur postérieure de la cuisse. La douleur peut être référée par un certain nombre de structures telles que les disques, les facettes articulaires, les muscles, les ligaments, les racines nerveuses(16). Un examen détaillé comprenant un bilan neurologique complet est vital, et l’imagerie peut y contribuer. Cependant, la prudence est de mise car des changements préexistants peuvent être présents. La compression de la racine nerveuse fournit généralement une présentation beaucoup plus définitive. Il faut toujours tenir compte des signaux d’alarme ; l’identification de la cauda equina est vitale pour permettre une prise en charge appropriée et rapide(17). Le spondylolisthésis et la spondylolyse ont tous deux été associés à la douleur et à l’oppression des ischio-jambiers et doivent être exclus dans les présentations récurrentes/récidivantes.

L’articulation sacro-iliaque (ISI) renvoie souvent la douleur aux fesses et à la région haute des ischio-jambiers ; 94 % des cas de dysfonctionnement de l’ISI rapportent une douleur aux fesses(18). Les tests de provocation de l’articulation sacro-iliaque peuvent être utilisés pour mettre en évidence l’atteinte de l’articulation sacro-iliaque(19). Le conflit antérieur de la hanche peut se manifester par une douleur à l’aine, une douleur latérale à la hanche et à la cuisse et une douleur à la fesse(20). Un test FAIR/FABER négatif est couramment utilisé pour exclure une pathologie significative du FAI et/ou du labre(21).

Syndrome fessier profond

Le syndrome fessier profond (SFP) est un terme générique qui recouvre un certain nombre de pathologies. Le syndrome du piriforme, comprimant le nerf sciatique est le plus fréquent(22), mais il peut aussi y avoir des bandes fibreuses amarrant le nerf sciatique, une compression dans le complexe Gemelli-obturateur interne, des pathologies vasculaires ou des lésions d’occupation de l’espace. La suractivité du piriforme est une réponse courante à la faiblesse des fessiers ; la nécessité d’évaluer le contrôle biomécanique des athlètes permettra aux facteurs causaux possibles de se présenter. McCory et Bell soulignent que ce sont également les rotateurs externes de la hanche qui peuvent comprimer le nerf sciatique(23). Une combinaison du test d’étirement du piriforme assis et du test actif du piriforme a une sensibilité et une spécificité élevées pour le piégeage du nerf sciatique(24).

Vasculaire

L’endofibrose de l’artère externe peut produire une douleur postérieure de la cuisse (bien que très rare par rapport à la présentation plus commune de la douleur latérale et antérieure de la cuisse). Cela peut se produire chez les cyclistes ou les triathlètes. La douleur est de nature claudicante et progresse dans les 10 à 20 minutes suivant l’exercice, mais se résorbe immédiatement à la fin de l’exercice.

En résumé

Lors de l’évaluation de la douleur postérieure de la cuisse, le praticien doit adopter une approche par étapes, en formant d’abord un diagnostic de travail basé sur les résultats subjectifs, après avoir exclu tout drapeau rouge. Une évaluation objective approfondie peut ensuite confirmer ou infirmer les hypothèses de travail. Il est important de ne pas laisser notre propre biais de confirmation nous guider vers la pathologie la plus courante. Nous devons à l’athlète de nous assurer que nous avons exclu le plus grand nombre possible de causes potentielles avant de poser notre diagnostic définitif. This allows implementation of the most appropriate evidence-based management plan and a prompt return to sport.

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