Mystères historiques

Dans le nord-ouest de la France, il y a une ville du nom de Le Mans, qui n’est guère connue que pour une célèbre course automobile qui a lieu une fois par an : les « 24 heures du Mans ». Mais si l’on jette un coup d’œil à la rubrique « Le Mans » de Wikipédia, dans la section « Personnalités notables », on trouve en 7e position, parmi une vingtaine d’aristocrates, de prêtres et de musiciens célèbres, les noms de Christine et Léa Papin. Ces sœurs ont donné à la ville un degré d’infamie qui n’aurait jamais été atteint autrement. Mais au lieu d’être connues pour un accomplissement grandiose et propice, les sœurs Papin ne sont remarquables que pour avoir assassiné, de la manière la plus macabre, leur employeuse domestique et sa fille en 1933.

Les sœurs Papin : Un crime qui a horrifié la France

La famille Papin

Les sœurs Papin étaient issues d’une famille troublée du Mans. Leur mère était Clémence Derré et leur père était Gustave Papin. Bien que des rumeurs circulent en ville selon lesquelles Clémence a une liaison avec son patron, Gustave l’aime. En octobre 1901, lorsqu’elle est tombée enceinte, Gustave a épousé Clémence. La petite Emilia Papin est arrivée en février 1902. Mais Gustave s’est toujours demandé si Clémence avait toujours une liaison. Il décida de trouver un emploi dans une autre ville pour éloigner Clémence du Mans.

portrait des sœurs Papin
Léa et Christine Papin étaient des femmes de chambre tranquilles dans la petite ville du Mans, en France. Source : squarepegtheatre.co.uk.

Environ 2 ans après la naissance d’Emilia, Gustave annonce qu’il prend un nouveau travail dans une autre ville. Clémence a menacé de se suicider plutôt que de quitter Le Mans, ce qui n’a fait que renforcer les soupçons de Gustave, qui la soupçonnait d’avoir effectivement une liaison. Après qu’elle ait repris ses esprits, le couple déménage et commence une nouvelle vie.

La relation devient progressivement plus volatile ; les rapports indiquent que Clémence ne montrait aucune affection pour ses enfants ou son mari et qu’elle était un individu instable. Gustave se tourne vers l’alcool. Quand Emilia a 9 ou 10 ans, Clémence l’envoie à l’orphelinat catholique de Bon Pasteur. Plus tard, on a appris que son père l’avait violée. Emilia Papin a ensuite rejoint le couvent et est devenue une religieuse. Cependant, Clémence avait également donné naissance à deux autres enfants, qu’elle et son mari avaient renvoyés en bas âge.

Les sœurs Papin

Christine était la plus difficile. Elle est née en 1905 et était l’enfant du milieu de la famille. Peu après sa naissance, les parents de Christine l’ont confiée à la sœur de son père, qui était heureuse de l’avoir. Christine est restée chez sa tante pendant sept ans, après quoi elle est entrée dans un orphelinat catholique. Bien que Christine veuille entrer au couvent, sa mère ne le permet pas et la place plus tard dans un emploi. D’une intelligence moyenne, sa personnalité est plus forte et plus ouverte que celle de Léa. Ses employeurs ont signalé qu’elle pouvait parfois être insolente. Néanmoins, elle était travailleuse et avait la réputation d’être une bonne cuisinière.

Léa était la timide. Née en 1911, elle était la plus jeune d’une famille de trois filles. Les évaluations indiquaient que Léa avait une intelligence légèrement inférieure à celle de sa sœur, et qu’elle était introvertie, calme et obéissante. Dès la petite enfance, Léa a grandi avec le frère de sa mère jusqu’à ce qu’il décède, puis elle est entrée dans un orphelinat religieux jusqu’à l’âge de 15 ans.

Le foyer Lancelin au 6 rue Bruyère

Christine et Léa Papin étaient désormais en âge de travailler. En 1926, elles ont eu la chance de décrocher ensemble un emploi de domestique à demeure au Mans, chez les Lancelin : un avocat à la retraite, sa femme, Léonie, et leur fille adulte, Geneviève. Christine servait de cuisinière à la famille, tandis que Léa faisait le ménage.

Les sœurs Papin étaient, de l’avis général, de bonnes filles et des femmes de chambre modèles. Chaque dimanche, elles s’habillaient et allaient à l’église, et elles avaient la réputation d’être des travailleuses assidues au comportement correct. Réputées pour être plutôt asociales, Christine et Léa préfèrent leur propre compagnie à celle des autres. Chaque jour, elles avaient une pause de deux heures après le déjeuner, mais au lieu de sortir pour profiter de la journée, elles restaient dans leur chambre.

En 1933, les sœurs Papin étaient chez les Lancelin depuis 6 ans. Christine était âgée de 27 ans et Léa de 21 ans. Le 2 février de cette année-là, Mme Lancelin et sa fille arrivent chez elles vers 17h30 dans une maison en grande partie sombre. C’est la deuxième fois en une semaine que le fer à repasser défectueux fait sauter le fusible électrique pendant que Christine repasse. Curieusement, le fer à repasser était revenu ce jour-là de chez le réparateur qui avait déclaré ne rien trouver à redire. Lorsque Christine a informé Madame Lancelin que le fer à repasser s’était à nouveau cassé, Madame s’est mise en colère et une dispute a éclaté.

Bien sûr, il y avait eu d’autres difficultés par le passé ; Madame Lancelin était une vraie pointilleuse du travail bien fait. Elle mettait même ses gants blancs pour vérifier qu’il n’y avait pas de poussière, donnait régulièrement son avis sur la cuisine de Christine, et obligeait Léa à retourner nettoyer quand elle oubliait un endroit. Mais, cette fois-ci, c’était différent.

Le crime du siècle

Christine a craqué. En haut des escaliers du palier du premier étage, Christine s’est jetée sur Geneviève et lui a arraché les yeux avec ses doigts. Léa se joint rapidement à la lutte et attrape Mme Lancelin. Christine lui ordonne de crever les yeux de Madame, puis Christine descend en courant à la cuisine pour prendre un couteau et un marteau. Elle est remontée à l’étage où les deux filles ont matraqué et découpé la mère et la fille. Les sœurs enragées ont également utilisé un pichet en étain qui se trouvait sur une table en haut de l’escalier pour frapper la tête des dames Lancelin. Les experts estiment que l’incident a duré environ 30 minutes. Mais au final, les servantes avaient violemment massacré les deux femmes.

Monsieur Lancelin et son gendre sont arrivés au domicile entre 18h30 et 19h. La porte était verrouillée de l’intérieur, et les hommes n’ont pas pu entrer, même s’ils savaient qu’il y avait quelqu’un à la maison. La maison était complètement sombre, à l’exception d’une faible lueur provenant du niveau supérieur. Cela semblait hautement suspect, alors ils sont allés demander de l’aide à la police.

L’enquête

Après être entrés dans la maison, les policiers ont monté les escaliers et ont trouvé une scène griffue. La plupart des blessures se trouvaient sur le visage et la tête des victimes. Cependant, les jambes et les fesses de la fille ont révélé de profondes lacérations au couteau. Les deux femmes étaient horriblement méconnaissables, leurs visages ayant été complètement démolis. Les dents étaient éparpillées dans la pièce, et l’un des yeux de Geneviève gisait sur l’escalier supérieur. Les enquêteurs ont plus tard trouvé l’autre œil sous son corps. Cachés dans les plis du foulard de Madame, se trouvaient ses deux yeux. Madame Lancelin était couchée sur le dos, les jambes écartées et ne portait qu’une seule chaussure. Le corps de Geneviève est tourné vers le bas. À côté de sa hanche droite se trouve un couteau de cuisine ensanglanté au manche foncé. Le sang recouvrait toute la scène et avait même éclaboussé les murs à deux mètres au-dessus des corps.

La photo de la scène de crime des sœurs Papin. Domaine public.
La photo de la scène de crime des sœurs Papin. Domaine public.

Après avoir découvert les corps, les policiers ont fouillé le reste de la maison. Dans leur esprit, ils se sont tous demandés si le tueur avait fait la même chose aux sœurs. Mais lorsque les enquêteurs sont montés au niveau supérieur où se trouvait la chambre des domestiques, la porte était verrouillée. Un serrurier s’est rendu sur les lieux pour déverrouiller la porte, et lorsque les policiers ont procédé à l’ouverture, ils ont trouvé les filles dans le lit ensemble avec leurs robes de chambre (certaines sources disent qu’elles étaient nues). À côté du lit, sur une chaise, se trouvait le marteau ensanglanté avec des cheveux collés dessus. La police leur a demandé ce qui s’était passé, et les sœurs ont immédiatement avoué le crime.

Note:

Selon Frédéric Chauvaud, auteur de L’effrayant crime des sœurs Papin, les enquêteurs ont d’abord trouvé les victimes avec leurs jupes relevées et leurs sous-vêtements baissés. À cette époque en France, il était très inconvenant de prendre des photos avec les parties génitales exposées, donc les enquêteurs (peut-être des journalistes) ont baissé les jupes des dames pour couvrir leurs parties intimes avant que la police ne termine l’enquête.

Arrestation et procès

La police a arrêté les sœurs et elles les ont placées en garde à vue. Christine est devenue angoissée et a manifesté des crises de désespoir lorsque la police a séparé les filles. Finalement, les autorités ont autorisé une rencontre entre les sœurs, et selon les informations, Christine s’est comportée et a parlé d’une manière qui impliquait une relation sexuelle.

Photos des sœurs après l'arrestation.
Photos des sœurs après l’arrestation.

Le tribunal a désigné 3 médecins pour faire passer des évaluations psychologiques aux sœurs afin de déterminer si elles étaient saines d’esprit ou non. Christine a fait preuve d’indifférence à l’égard du monde et elle a indiqué qu’elle n’avait aucun attachement, sauf pour Léa. Les médecins ont rapporté que l’affection de Christine pour sa sœur relevait de la dévotion familiale et qu’ils n’ont décelé aucune sorte de contexte sexuel dans leur relation.

D’autre part, Léa regardait Christine comme une grande sœur ou une figure maternelle. L’évaluation est revenue en affirmant que les sœurs ne présentaient aucun trouble mental pathologique et aucun antécédent familial. Les médecins ont jugé les filles tout à fait saines d’esprit et ont indiqué que leur union inhabituellement proche les a poussées à agir ensemble, toutes deux également responsables du meurtre.

Au procès de 1933, Léa Papin, au fond à gauche, et Christine Papin, au fond à droite. Domaine public.
Au procès de 1933, Léa Papin, dos gauche, et Christine Papin, dos droit. Domaine public.

Lors du procès, les jurés n’ont pris que 40 minutes pour délibérer. Bien entendu, ils ont déclaré Christine et Léa Papin coupables. Léa a été condamnée à une peine de 10 ans de prison. Christine devait affronter la guillotine, bien que cette peine ait été commuée en prison à vie.

Pourquoi les sœurs ont-elles tué leurs employeurs ?

Le double meurtre brutal a rendu la ville furieuse et a choqué toute la France. Il n’y avait jamais eu autant de brutalité dans un meurtre comme celui-ci. Beaucoup de gens ont commencé à se demander pourquoi deux jeunes filles, qui, au dire de tous, étaient des filles décentes et avaient été bien traitées dans leurs postes domestiques, pouvaient posséder une haine aussi profonde au point de commettre un crime aussi inqualifiable. Le meurtre en lui-même était odieux, mais le fait de leur arracher les yeux avec leurs doigts était un acte de sauvagerie animale.

Des psychothérapeutes, des philosophes, des écrivains et d’autres personnes ont commencé à intervenir avec leurs théories. Certains intellectuels sympathisaient avec les filles et pouvaient compatir à leur lutte des classes. Ils considéraient le crime comme le reflet des divisions de classe oppressives, des mauvaises conditions de travail et des préjugés. D’autres croyaient fermement que parce que les filles avaient travaillé dans un emploi décent au sein d’une famille aimable, qu’elles mangeaient les mêmes repas que le reste de la famille et qu’elles avaient un salaire mensuel généreux, il n’y avait aucun motif logique pour un tel crime.

Est-ce quelque chose de profondément ancré dans l’enfance des sœurs ? Certaines sources supposent que les filles étaient privées d’amour et d’affection. Mais l’étaient-elles ? Elles ont passé leurs années de formation loin de l’instabilité de leurs parents avec des membres de la famille qui étaient censés les aimer. Bien qu’elles aient finalement dû aller dans un orphelinat catholique, rien ne prouve qu’elles aient souffert ou qu’on ne se soit pas occupé d’elles.

La troisième identité

Au procès, un quatrième médecin a témoigné. Les filles ne pouvaient certainement pas être normales. Il a proposé que la relation entre Christine et Léa soit une fusion complète de personnalités et que Léa ait perdu son identité au profit de la personnalité dominante de Christine. En fait, il n’y avait pas de « Christine », ni de « Léa ». Le tueur était en fait la personnalité commune des deux, une troisième identité. Les psychothérapeutes du monde entier se sont démenés pour trouver un diagnostic.

Les deux sœurs semblaient souffrir de ce qu’on appelle un trouble paranoïaque partagé. Cet état a tendance à se manifester dans de petits groupes ou paires qui s’isolent du monde. Ils mènent souvent une existence intense, repliée sur elle-même, avec une vision paranoïaque du monde extérieur. Il est également typique dans le trouble paranoïaque partagé qu’un partenaire domine l’autre, et les sœurs Papin semblent en être un parfait exemple.

Elizabeth Kerri Mahon

Pour autant, une autre théorie plus sensationnelle a émergé. Mme Lancelin a-t-elle découvert que les filles entretenaient une relation homosexuelle incestueuse ? A-t-elle vu quelque chose qui n’était pas destiné à ses yeux, et est-ce pour cela que les filles ont arraché les yeux à mains nues ?

Que sont devenues les sœurs ?

Sans sa sœur, Christine ne s’en sort pas bien en prison. Elle a eu des accès de folie et est devenue gravement déprimée et découragée, refusant finalement de s’alimenter. Les responsables de la prison l’ont transférée dans un établissement psychiatrique, cependant, elle a continué à s’affamer jusqu’à sa mort en mai 1937.

Léa Papin, en revanche, a fait preuve d’un comportement exemplaire et n’a purgé que 8 ans de sa peine de 10 ans. En 1941, elle devient une femme libre. Elle vit avec sa mère à Nantes, en France, sous un faux nom, et travaille dans l’hôtellerie. Selon certaines sources, elle serait morte en 1982. Cependant, en 2000, lors du tournage du film À la recherche des sœurs Papin, Claude Ventura a affirmé avoir retrouvé Léa dans un centre de soins palliatifs en France. The woman had suffered a stroke and was partially paralyzed and unable to speak. She passed away in 2001.

Inspiration in Murder

The Papin case stirred up a great deal of sentiment in its time and became fodder for a number of literary and cinematic works. Here are just a few:

Movies/Documentaries

  • Murderous Maids
  • The Horrible Crime of the Papin Sisters, a documentary by Patrick Schmitt & Pauline Verdu
  • The Maids, a play by Jean Genet

Literature

  • The Papin Sisters (Oxford Studies in Modern European Culture)
  • The Murder in Le Mans, an essay in Paris Was Yesterday, a book by Janet Flanner
  • The Crime of the Papin Sisters, an essay by Neil Paton (see reference below)

Looking at the Big Picture

In the aftermath of the Lancelin murders, there was a reverberation of thoughts, emotions, and fears. La première étape a été le choc et l’indignation. Puis la question « Pourquoi ont-ils fait ça ? ». Puis, la réflexion de la situation dans son ensemble. Y avait-il des choses dans la société, des failles dans la structure sociale, l’insensibilité des orphelinats religieux, ou beaucoup trop d’oppression et de persécution, qui les ont poussés à agir ainsi ? La société dans son ensemble avait-elle besoin de changer ?

Que le double meurtre du Mans ait entraîné ou non une sorte de changement de paradigme sociétal est incertain. Ce qui est certain en revanche, c’est que près d’un siècle plus tard, la ville du nord-ouest de la France n’est toujours connue que pour la course automobile des 24 heures du Mans. Mais aujourd’hui encore, le meurtre sauvage qui s’est déroulé au 6 rue Bruyére le 2 février 1933 résonne dans tout le pays.

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